Valentina de Christophe Siébert
3 Janvier 2000
« Ils braillent tous les cinq le hip-hop old-school de Bad Balance, pas du tout ensemble, pas du tout en rythme, s’en donnent à coeur joie, possédés par le plaisir de gueuler des grossièretés en americanskij, de danser comme de langoureux barbares sur les rythmes funky samplés par le rappeur. Le son se déverse d’un ghetto-blaster made in Zona, il leur appartient à tous, chacun a mis un peu de fric, l’argent n’a pas d’importance, ils le gagnent le soir, quand ils ont le temps, c’est facile, y’en a pour tout le monde, en tous cas pour ceux qui savent se débrouiller, ils l’ont porté à un réparateur, une semaine après il fonctionnait, à eux pour de bon! » Page 32
Coup de pied dans la fourmilière ! Je suis très heureuse d’avoir lu ce roman, arpenté son univers punk qui remet quelques idées en place tout en se faisant plaisir avec de la bonne musique ! Un texte engagé !
« C’est facile, de jouer à la roulette russe contre soi-même, ou contre Dieu. Un coup le canon enfoncé dans la bouche, un coup levé au ciel. »
Premier volet d’un cycle intitulé « Un demi-siècle de merde », à lire en écoutant la bande-son pop, punk et indus russe des années 80-90 citée en fin de bouquin.💀 « Valentina » est un roman noir révolté, un pogo littéraire halluciné dans lequel mon âme dépressive s’est pleinement vautrée avec plaisir, à la rencontre de cinq adolescents attachants. « Les enfants de la glasnost, les bébés-perestroïka, ils apprenaient à marcher quand l’URSS se désintégrait, à lire, à écrire, à compter quand les vautours se partageaient les meilleurs morceaux. »
Leurs consolations ? La musique qu’ils écoutent dans leur ghetto-blaster, l’alcool, la teuf, la drogue et une franche solidarité jusque dans les pires combines. Ces enfants des ruines n’ont plus confiance en les adultes, en les institutions, au mieux ils s’en servent et les provoquent. Chaque adolescent est présenté clairement au début du livre. J’ai particulièrement apprécié le personnage de Klara, son humanité à fleur de peau au milieu des décombres, sa tendresse bouleversante à l’égard des êtres hors norme, plus particulièrement à l’égard de Valentina malheureusement assassinée et dont on découvre la face cachée. J’ai ressenti l’empathie de l’auteur pour tous ces atypiques en mal d’amour, de reconnaissance, totalement insoumis et révoltés.
L’histoire se situe à Mertvecgorod, mégapole imaginaire polluée et écœurante tellement elle pue le vice et la corruption, entre l’Ukraine et la Russie, du trois au dix-huit Janvier 2000. Dès le prologue, le lecteur comprend l’importance d’une décision à prendre à travers le personnage de Klara. Que s’est-il passé ? Retour quinze jours plus tôt pour le découvrir. Il n’est pas au bout de ses peines face à la tragédie de certaines scènes.
« Fuck all ya politicians. » Le territoire sur lequel s’abîme la bande des cinq ? La zona : Des hectares de décharge sauvage, de bidonvilles, de squats pour réfugiés Tchétchènes, de Détresses. L’âme punk déchire, érafle, fouette, frappe, crie, pleure de rage aussi ; l’âme d’une jeunesse fragile profondément humiliée, qui se débrouille comme elle peut pour exister, résister. Quelle place pour la Paix ? Pour les réfugiés, les homosexuels ? Pour la justice face au Crime ? Pour ces jeunes défoncés et suicidaires ?! Un roman terriblement sombre et habile qui nous tient par les tripes, une claque. Encore s’il vous plaît, j’ai adoré !
Aux Editions Au Diable Vauvert, 288 pages. Je remercie chaleureusement Nathalie pour ce service de presse.
crayon de couleuvre
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