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Comme meurent les papillons de Pablo Behague

« La femme au châle était venue lui parler pour la première fois quatre jours après ce qu’on appelait, dans la presse comme dans les discussions de voisinage, la nuit des bébés possédés. Ce jour-là, cependant, ce n’était pas encore pour se confier… » Incipit. 

𝗖𝗼𝗺𝗺𝗲 𝗺𝗲𝘂𝗿𝗲𝗻𝘁 𝗹𝗲𝘀 𝗽𝗮𝗽𝗶𝗹𝗹𝗼𝗻𝘀
Pablo Behague
Éditions ExÆquo
Collection Atlantéïs
304 pages

Je réalise que la thématique de la mort de l’enfance est une des plus tragiques à lire. Sommes-nous condamnés à la pleurer toute notre vie de misère ? A sombrer dans la folie ? L’amitié et la solidarité peuvent-elles nous protéger ou retarder notre chute ? Pablo décrit avec talent le destin de quatre adolescents à Chaudrillon sur Noure, petite ville vosgienne plutôt tranquille jusqu’à la fameuse nuit des bébés possédés et l’apparition inquiétante de papillons noirs. La manifestation du diable ? Un univers fantastique finement décrit précipite quatre adolescents, Adama, Sarah, Tommy et Max, dans un monde adulte terrifiant, cauchemardesque. Comme il est difficile de grandir dans ce monde trop grand qui ne semble pas voué au bonheur, et d’en comprendre les enjeux. Les adultes sont bien impuissants et vulnérables de leur côté, il ne faudrait jamais l’oublier. Je n’aurais pas aimé être mère d’un petit bébé hurleur qui semble lui aussi en proie à des angoisses terrifiantes et manipulé par des forces qui le dépassent. L’univers du conte offre des clés de compréhension et des descriptions qui raviront les amateurs d’épouvante, dans une chambre de bébé, dans la bibliothèque, au cimetière, derrière la porte d’une chapelle, dans une grotte….

Vulnérable, l’être humain est assailli de questionnements, il en va peut-être de la survie de son âme terrifiée en quête de solutions, qui ne désire qu’une chose : la consolation, la délivrance. L’âge adulte, c’est le combat de notre âme avec le réel plombant, un combat harassant pour les pauvres papillons que nous sommes. Pour cela, nous avons toujours besoin d’un peu de lumière dans la grande obscurité de la vie et ce, avant la nuit éternelle. J’ai particulièrement apprécié les ambiances mystérieuses, gothiques, au cimetière, à l’ombre d’un confessionnal, dans l’église presque silencieuse, à la lueur de la bougie, d’un cierge, de la lune, les confessions de la femme au châle restée dans l’ombre, avec le père Van Zyn dont la foi titube. Ces passages sont intéressants, troublants. Le désir de maternité, la foi en Dieu sont au coeur des préoccupations de ces deux personnages adultes qui ont beaucoup en commun. Des personnages tourmentés dont j’attendais chaque rencontre avec impatience. Qui prendra le temps de m’écouter et de me croire ? Le lecteur n’est pas au bout de ses surprises. 

 

A Chaudrillon, la vie est réellement une malédiction. Une scène m’a particulièrement bouleversée, je ne m’y attendais pas. Elle témoigne de la fragilité d’une femme. Et que dire de ce paradis infernal ? J’ai surtout déversé un torrent d’émotions lorsque j’ai repensé à tous les êtres dont l’innocence a été piétinée. Clairement, nous ne sommes pas des super-héros. C’est une folie de le croire lorsque nous devenons adultes, un bonheur de le vivre lorsque nous sommes enfants. Je n’aime plus les super-héros aujourd’hui.  Nous pouvons apprendre à mener notre barque du mieux que nous pouvons, c’est une attention de chaque jour. Apprendre à se connaître, à se préserver et à créer un cocon de sérénité dans lequel le petit enfant que nous avons été se console.
Une très bonne lecture dans le style fantastique dévoilant mélancolie, poésie et un certain pessimisme, trois ingrédients qui se marient tellement bien. L’auteur se fait sorcier, il met en garde. La plume de Pablo caresse la métaphore, est agréable à lire avec, en exergue, de passionnantes et douloureuses questions existentielles. Elle n’est pas violente mais réveille de profondes émotions et fait réfléchir aux conséquences de nos actes. Comme meurent les papillons ravira adolescents et adultes. A découvrir, je le conseille chaleureusement.

Merci à Pablo Behague et aux Editions ExAequo pour leur confiance. Une belle découverte littéraire et humaine.

« C’étaient là les pleurs déchirés de l’enfance qui meurt, de la petite fille qui ne veut pas grandir et accepter que le monde n’a rien de magique en lui… »

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