RL2022,  Service de presse

Le Tyran de Michael Cisco

« Notre Ariane vous a frôlés – dans chaque grande cité. Il vous suffit de vous tourner pour la voir à vos côtés, jeune fille ordinaire aux cheveux bruns. Assise près de la porte, elle y forme un ballot massif et compliqué ; les autres passagers s’efforcent de l’éviter et certains lui lancent des regards compatissants, furtifs et légers, eux-mêmes à peine conscients de l’expression partiellement dépareillée de leur visage, et elle, les yeux obstinément rivés au sol, les ignore totalement. Elle compte les arrêts… » Incipit

𝗟𝗲 𝗧𝘆𝗿𝗮𝗻 𝗱𝗲 𝗠𝗶𝗰𝗵𝗮𝗲𝗹 𝗖𝗶𝘀𝗰𝗼
Traduit de l’anglais par Mélanie Fazi
448 pages de « weird fiction »

Aux Éditions Au diable vauvert. Merci beaucoup pour ce service de presse complèment dément. 🙂

Bizarre, superbe !
« Chante lamente et gémit, se lamente et gémit… »
Ce roman à la créativité épatante nous propulse dans le monde du rêve, de la transe, du cauchemar, de la terreur à l’esthétique parfois macabre et magnifique. À l’insolence bizarre dans toute sa puissante beauté. J’en ressors nourrie, souvent déstabilisée et un peu essoufflée. Une plume hallucinée, atypique et exigeante : une bombe à frissons dès le début.
Ella est le personnage principal. À l’âge de cinq ans, faute de vaccin contre la polio, elle a perdu l’usage de ses jambes. Elle porte donc des orthèses et des béquilles en inox. Se déplacer est toujours une épreuve pour elle, du moins dans le monde réel. Elle est une adolescente précoce, prisonnière de son corps handicapé, terrifiée par la mort, par la foule, par le regard d’autrui. Fragile. Pourtant…


« Ses orthèses lui donnent accès à tout ; elles ont le don de lui ouvrir les portes… » Ella est incroyablement douée pour se réfugier dans son imaginaire foisonnant hanté par de drôles de créatures. D’un fragment du réel s’ouvre un paysage imaginaire correspondant, fascinant, thérapeutique car triomphant. Elle est capable de manipuler les ectoplasmes dans son monde peuplé d’étrangeté. Le plaisir de lire est inattendu, souvent né d’un détail du réel, d’un minuscule détail, du silence, d’une sensation exacerbée. On arrive à oublier le handicap d’Ella, belle prouesse de l’auteur. Elle vit intensément, éprouve tant de sensations et de plaisir. Ses sensations et ses visions sont finement décrites au fur et à mesure de ses expériences avec le Dr Belhoria et de sa rencontre avec le Tyran. Elle semble amoureuse de lui…mais surtout elle s’accroche peut-être à l’idée que cet amour est possible au-delà de la mort et qu’à eux d’eux ils pourront anéantir ce qui les blessent et les terrifient ? Tout est possible dans le monde de Michael Cisco.

« Regardez le tyran, l’esprit qui semble souffler dans sa gorge ouverte – ouverte sur un cri d’extase les joues ruisselant de larmes d’extase lorsque son ennemi tombe, bras tendus en un geste de joie bestiale… »

Je l’ai aimé pour son esthétique, son personnage féminin et toutes les sensations qu’il m’a procurées malgré mes incompréhensions. Une lecture expérimentale que j’ai pris beaucoup de plaisir à découvrir.

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