Service de presse

Toya de Marcelle Auclair

« Au Chili, les ventes aux enchères sont pittoresques : elles ont lieu au domicile de l’interessé, (ou du défunt). Souvent, les photographies de famille sont restées sur le piano, les lits sont encore tièdes ; on pénètre dans la vie intime des gens sans paraître indiscret. J’allais aux ventes comme on ouvre un roman. » Incipit.

𝗧𝗼𝘆𝗮 𝗱𝗲 𝗠𝗮𝗿𝗰𝗲𝗹𝗹𝗲 𝗔𝘂𝗰𝗹𝗮𝗶𝗿
230 pages.
Préface de Laurence Campa
Illustrations de Baptiste Deyrail
1927 : Première édition

Avant que cette beauté nous brûle

« Longue nouvelle d’orfèvre, d’une noirceur magnétique, Toya (1927) met en scène une vieille fille chilienne, une solterona, affligée d’une indicible laideur, qui se dessèche, se prend à aimer son beau-frère, arrive jusqu’à la pensée du crime, jusqu’à l’idée de fratricide. » Extrait de la présentation de la maison d’édition sur leur site.

À propos de Marcelle Auclair :
« En 1923, alors jeune journaliste au Mercurio, elle publie en espagnol La Novela del amor doliente, roman de moeurs qu’elle adaptera en français quelques années plus tard sous le titre délicieusement énigmatique de Toya(1927). Féministe engagée – en faveur notamment du droit à l’avortement – Marcelle Auclair fonde avec Jean Prévost le Magazine Marie-Claire en 1937. »

« Ave Marrria Purrrissima »

Quelle belle découverte ! La première publication de ce roman date de 1927. Les Éditions Les lapidaires exhument des textes oubliés. Je remercie Charles des Editions Les Lapidaires pour cette proposition littéraire.

C’est l’histoire d’une malédiction, celle de Victoria née laide. Toya est son diminutif. Au début du roman, nous apprenons qu’elle est décédée et qu’une vente aux enchères a lieu à son domicile à Santiago. Sur place, une femme découvre un cahier dans lequel la vieille fille a rédigé ses pensées à différents moments de sa vie, depuis sa jeunesse chez les religieuses lorsqu’elle découvre sa laideur, jusqu’à à l’âge adulte.
Les premières confidences de Toya témoignent du chagrin de ne pas être mère de Decito, enfant de sa sœur. « Ce marmot chéri m’appartient : sa mère n’est pas revenue de voyage pour le soigner. » Elle dira de ses écrits qu’ils sont peu sincères et qu’elle aime jouer des personnages pour tromper l’ennui. Les mondanités, les carcans et les traditions de la société bourgeoise sont à mourir d’ennui. Permission de le crier, d’être cynique, d’en rire, de s’abandonner à la folie et ce, grâce à l’écriture libératrice. Dans ce roman de moeurs à la plume désuète, fluide, Toya est une femme complexée, prisonnière de ses rêveries, pétrie de honte, de culpabilité, d’obsession pour son beau-frère. Elle a souvent besoin de se confesser, de prier. Que désire-t-elle du plus profond de son âme, de son cœur ? Troublants mystères du désir féminin ! Toya est un personnage féminin passionnant, complexe. J’ai beaucoup aimé cette liberté de ton dans ce texte de toute beauté.

« Je suis un nid sans oiseaux.
Je suis le figuier maudit,
le figuier stérile, la femme laide. »

Audacieuse, pénétrante, la plume de Marcelle Auclair libère la psychologie d’une femme idéaliste, dénouant ses peurs, ses désirs refoulés, ses frustrations ! La part sombre féminine s’exprime ici librement avec rage et tendresse, ce qui a tout pour me plaire. Avec élégance dans la forme, Toya s’abandonne à cette noirceur permise, croissante jusqu’au bord de l’abîme, jusqu’au vertige, et le lecteur s’abandonne avec elle. L’écriture lui permet cette liberté de ton. Il en ressort un texte captivant pour notre plus grand plaisir et pour nous interroger sur ce qui nous retient prisonnière, sur notre foi, sur Dieu, notre propre laideur, les désir…

Mais Toya attend un miracle. Depuis le temps qu’elle attend, souffre et délire. Le destin de Toya prend tout son sens en troisième partie. Quelle fin surpenante, j’ai beaucoup aimé ! Très intéressante aussi la partie huis-clos entre Toya, sa soeur et son beau-frère. Je me suis régalée ! Transgressif, dévorant, j’ai pris plaisir à lire ce roman et le conseillerai volontiers, bravo purrrisssima !

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