
Tuer les vieux, jouir ! de Félicien Champsaur
» « Féministe aigu » et « parisianiste raffiné », Félicien Champsaur (1858-1934) est l’un des graphomanes les plus prolifiques de son temps. Nourri par son expérience de journaliste et de dramaturge, il instaure, dans ses romans, le principe d’hybridité : mélange des genres, des formes, audaces typographiques… »
406 pages. Première parution en 1925, exhumé par Les Lapidaires
Roman vache, moeurs du temps.
Illustration : Baptiste Deyrail
Service de presse
Un régal ce roman noir français d’une grande richesse littéraire, profondément antimilitariste et humaniste ! Félicien Champsaur distribue des chiquenaudes à la légion d’honneur, à l’armée, aux patrons d’entreprise, aux syndicats, aux affairistes, aux assoiffés d’argent peu scrupuleux, entre autres. Fin observateur de son temps, il dénonce « cette indifférence de toute humanité », sa destruction. Il met en garde les hommes braves, justes et intelligents. Avez-vous déjà lu cet auteur remarquable et déconsidéré ? Je le découvre avec plaisir.
« Le sans-gêne règne, et le mufle est roi. »
Paris en 1923. Quartier de Grenelle. Au sein de l’usine Aubert-Coutan, Antoine Aubert est un patron exemplaire pour ses ouvriers. Il est apprécié de tous et d’Aline sa future épouse. Durant la Grande Guerre (14-18), il est resté mobilisé à l’usine tandis qu’Etienne, son fils âgé de dix-neuf ans, est parti à l’abattoir. À son retour, le tempérament ténébreux d’Étienne se révèle digne d’un Macbeth de Shakespeare. L’idée diabolique de parricide murmurée à son oreille laisse présager le pire dans le plus obscur secret tout d’abord. Il est très intéressant de suivre ce fils maudit jusqu’au bout de l’enfer, de Paris au Sud de la France. Lui mis à part, une variété de personnages plus ou moins étranges animent le récit : Antoine, Sixte et Josette, Lafon, Keysar et Souriah, Aline et sa jeune Ulette, Sans-Liquette et Baudard, un commissaire, des peintres… dont un célèbre peintre cubiste. Le père d’Etienne Aubert est un magnifique personnage masculin mais malheureusement menacé. Aline, quand à elle, m’a agréablement surprise, émerveillée en tant que femme, en tant que maman. Elle m’avait agacée au début. Un soir, au bar La Rotonde, une tribune contre les vieux se déchaîne:
« Il faut enfoncer la gérontocratie, l’annihiler, la détruire. Il ne faut pas que les vieux nous gênent, respirent, mangent et baisent notre droit au bonheur, à la richesse, à l’amour, notre droit à tout. »
Qui est menacé? Qui est complice ? Qui manipule ? Que deviendra l’usine de ferraille ? Qui est le plus fou ?! Comme Antoine Aubert autrefois, nous interrogeons notre morale, nos valeurs.
« La lumière viendra-t-elle déchirer le voile des ténèbres ? » Macbeth de Verdi
« Jamais la querelle et la lutte entre hommes de trente ou quarante ans, au plus, et ceux d’au-dessus, ne fut aussi vive. »
Quelle tristesse de côtoyer de tels hommes pressés de jouir au plus grand mépris de tous. Félicien Champsaur analyse ce qu’il appelle « l’esprit de guerre » et ses conséquences dans les relations humaines. La psychologie d’Etienne est épouvantable mais pas la pire de tous… Il est aussi victime. Héro de guerre déglingué récompensé, il représente une jeunesse sacrifiée à la merci de personnes mal intentionnées. Si vous vous intéressez aux mentalités humaines, aux moeurs de l’époque, et au destin d’Etienne Aubert, je vous le conseille. Brillant, glaçant, du début à la fin !
crayon de couleuvre
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